Carnet d'un naturaliste-sportif

Wednesday, May 03, 2006

Biodiversité (2)

Qu'est ce qu'une forêt vierge?
C'est une forêt caractérisée par un écosystème complètement naturel, modifié et enrichi au fil du temps uniquement par l'action des aléas climatiques, et jamais par l'homme.
Cet écosystème, contrairement à ce que certains pourraient penser, s'auto-gère parfaitement: chaque élément y a sa place, y joue son rôle, de telle manière que la vie et la mort coexistent et s'imbriquent, "le recyclage complet des matières organiques et minérales à travers les flux énergétiques dans lesquels s'insèrent les organismes en réseaux alimentaires complexes traduisent au contraire le plus haut niveau d'organisation que puisse atteindre un écosystème terrestre."

Ces forêts sont le résultat de millions d'années d'une évolution qui a abouti à un équilibre parfait. Cet équilibre a été rompu, du moins fortement perturbé par la main de l'homme pour satisfaire ses besoins, presque partout dans le monde et de plus en plus, et dès le 7ème siècle dans les Vosges.
A l'état naturel, la structure des forêts vosgiennes ne seraient pas aussi simple qu'elle ne l'est aujourd'hui.

On parle de forêt climacique lorsque les essences en présence sont en harmonie avec l'exposition et l'altitude surtout, mais aussi le degré de pente. On distingue trois étages climaciques dans cette montagne:

  1. entre 300 et 600m, c'est la chênaie-hêtraie qui domine (c'est à ces altitudes que je cours le plus souvent, mais les pins et le épicéas, implantés en grande partie par l'homme épaulent largement les chênes, peu nombreux, et les hêtres, malgré tout très présents).
  2. la hêtraie-sapinière règne entre 600 et 900m,
  3. et enfin, les sapins laissent place à la hêtraie d'altitude au-delà de 900m.

L'altitude et le climat à caractère montagnard, par la lenteur de la décomposition de l'humus forestier, ainsi que la roche-mère, le grès vosgien (dont les nombreux blocs parsèment les versants et donnent au paysage forestier un caractère imposant) contribuent à la formation de sols acides: la hêtraie-sapinière s'accomode particulièrement bien de ces sols.

Cependant, bien que le taux de couverture forestière ne dépasse les 80% -voire 85%- entre Phalsbourg et le Donon, environ 20% de la surface est caractérisée par une monuculture artificielle, telles que des plantations de peupliers, d'arbres exotiques, ou le plus souvent d'épicéas et de sapins, plantés de manière tristement alignée, pour rentabiliser au maximum l'espace, alors que la Nature, elle, ne connaît pas les lignes droites, et n'apprécie que les courbes infiniment plus compliquées, sinueuses et inégales, mêlant l'épaisseur et la minceur, le petit et le grand, le minuscule et le gigantesque, l'horizontal et le vertical, le jeune et le vieux... Le paysage ainsi offert est incroyablement moins riche, moins somptueux et moins merveilleux que celui naturel qui inspire le poète et le met en verve, alors que sa page reste blanche et triste devant la géométrie prévisible d'un agencement anthropique.

Les sapinières qui en résultent, très serrées, ne laissent pas filtrer suffisamment le soleil: on trouve alors des branches décharnées à la base, un sous-bois inexistant dans lequel même la mousse ne s'aventure pas toujours, et surtout une fragilité extrême des arbres qui, n'ayant pas de place pour s'épanouir, restent fins, et se sont effondrés en quantité -tel un château de cartes- lors de l'ouragan Lothar des 26 et 27 décembre 1999.

Ainsi, le sapin et l'épicéa; favorisés par l'homme, dominent très largement le hêtre et se retrouvent également dès 300m d'altitude.

Fort heureusement, les hêtraies-sapinières sont très nombreuses et offrent un écosystème de très grande qualité lorsqu'elles sont complétées par d'autres essences comme le chêne, le bouleau, le pin sylvestre (qui apprécie particulièrement les roches gréseuses), le noisetier et bien d'autres. La forêt de Phalsbourg au Donon peut dans certains endroits prendre l'allure d'une semi-clairière de hêtres, tapissée de hautes herbes et genêts. Ce sont des terrains dont raffolent les chevreuils et les lièvres, et j'y ai souvent eu l'occasion de les y apercevoir.

La suite et fin dans le prochain message.

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