Carnet d'un naturaliste-sportif

Wednesday, October 09, 2013

Le chien qui courait


« j’adore la sensation de courir sans effort qui survient quelquefois lorsque je suis sur un monotrace couverts d’épines de pin ou même quand je coupe trois lacets. J’adore la sensation que je peux éprouver à courir dans un cirque ou passer un col, ce sentiment de se sentir tout petit et humble devant l’immensité de la nature. (...) La course à pieds aiguise la sensation d’être en vie et sublime les émotions." Anton Krupicka

Le mois de septembre est toujours particulier. Avec deux petits garçons à la maison et une bonne course sur les crêtes vosgiennes dans les jambes, il l’est encore un peu plus. Si je n’ai pas couru très vite ce mois-ci, ni très longtemps, je suis tout de même allé me ressourcer dans la forêt quasi tous les jours. 

2/10 : aujourd’hui, belle rando-course de 11,5kms avec Loucky. Après avoir rejoint l’écluse 24, nous longeons le canal sur quelques centaines de mètres avant de remonter la petite vallée du Stutzbach dans laquelle Loucky va un peu se baigner. Je m’arrête pour l’observer : son bonheur irradie autour de lui. 

4/10 : 13,5kms à Sarrebourg avec papa à vélo, dont 4 tours de l’étang sur lequel de grands cygnes blancs se laisser flotter. 

5/10 : Je pars avec Loucky et sac au dos pour une petite course sous la pluie. La forêt commence à revêtir son habit multicolore, à dominante jaune. Ce sont les hêtres qui donnent le ton, alors que les châtaigniers déposent leurs premiers fruits sur le sol. De lourds nuages enveloppent la montagne. Je marche pendant 500 mètres le temps de ramasser huit cèpes de belle taille. Au bout de trente minutes, je laisse Loucky dessabler son pelage dans l’herbe mouillée du jardin et je repars à allure soutenue pour quelques kilomètres supplémentaires au terme desquels j’enjambe une belle couleuvre. Sortie de 11kms. 

Loucky… Il a débarqué dans notre vie comme ça, l’air de rien. 

Depuis tout petit, les chats sont des animaux qui me fascinent. Mais ce n’est que vers 12 ou 13 ans, peut-être grâce à la lecture du merveilleux livre de Konrad Lorenz « tous les chiens, tous les chats » que je pars me balader de temps en temps avec ma chienne Mousky, une berger belge toute noire, et déjà alors bien âgée.
Bien des années plus tard, au cours de mes longues courses en solitaire, je me mets à rêver d’être à nouveau l’ami d’un chien. C’est avec l’image d’un husky endurant, au regard bleu, que Fanny et moi franchissons les portes de la S.P.A par une chaude journée d’août.
Derrière les barreaux de sa cage, Loucky semblait déjà nous attendre. Issu d’une portée sauvage, d’une maman Labrador, Loucky a débarqué avec son frère. Ce dernier, tout roux, fut bien vite adopté. Notre Loucky, au long pelage noir et beige, nous attend. Sa naissance remonte à trois ans et demi lorsque notre regard croise enfin ses yeux gentils. 

Très vite, il devient mon compagnon de course. S’il se fait discrètement oublier à la maison, son enthousiasme l’emporte dès qu’il me voit chausser mes runnings. Il guette les indices, a repéré que j’effectue souvent des séries de pompes et d’abdominaux avant de partir courir. Alors, il se met à japper et à déraper de joie sur le carrelage. Il ira m’attendre dehors.
Il me tire littéralement vers l’avant tant qu’il est en laisse. La forêt est synonyme de liberté. Une fois lâché, il fonce pendant que moi j’accélère prudemment sur les premiers kilomètres. Sa technique pour tout de même me croiser de temps et temps est d’alterner les pointes de vitesse et les séances de reniflage intensif.
Pendant plus de huit ans, Loucky et moi courons ainsi quatre ou cinq fois par semaine, pour des sorties généralement comprises entre 10 et 20 kilomètres.
C’est lui le plus fort. Bien souvent, il m’attend à la première croisée des chemins. 
« D’accord, tu fais l’itinéraire, mais ne traîne pas trop ! », semble-t-il me dire. 

Le partage de notre effort et de notre bonheur à arpenter notre jolie montagne doucement vallonnée s’étire parfois jusqu’à de belles courses de légende. Là, nous partons pour de longues heures, pour 30kms ou plus. Je me souviendrai toujours de cette course jusqu’aux ruines du village gallo-romain de l’Altdorf : belle mais difficile. Les pieds trempés et frigorifiés par une lente avancée dans une épaisse couche de neige, mon Loucky disparaît après quasiment 40kms parcourus ! La maison est encore à une bonne heure de là. Je crie, je siffle, rien. Je le retrouve bien plus tard occupé à se baigner dans l’eau gelée d’un ruisseau. Je lui en ai voulu de m’avoir fait ce coup-là !
Une autre fois, en plein été cette fois-ci, nous longeons le canal. Loucky a trop chaud et il y plonge afin d’aller faire la causette aux canards. C’est bien beau de nager un peu mais au moment de sortir de l’eau, pas moyen pour lui de rejoindre la berge aux parois bien trop verticales. Je m’allonge alors à plat ventre, et d’un bras parviens à le hisser sur le chemin. Un peu lourd pour mes muscles sollicités mais néanmoins existants, quelque chose claque dans mon dos et se bloque. La maison est à 6kms. 
Ses jours les plus heureux furent, je crois, ceux passés lors de vacances dans les Alpes. Des journées entières pour lui à suivre la piste de marmottes bien trop rusées, à franchir des cols enneigés, à plonger dans les torrents. 

Et puis, un jour, c’était il y a deux ans, Loucky se blesse en voulant effectuer un bond un peu acrobatique. Rupture des ligaments croisés. Deux opérations plus tard, le voilà à nouveau sur les sentiers. Mais la convalescence est longue et, avec l’âge, sa foulée se fait un peu moins rapide à chaque été.
Pourtant, pourtant, son enthousiasme reste le même ! Aujourd’hui, c’est en voyant une poussette ou un porte-bébé qu’il se met à déraper sur le carrelage…
Bien des fois, il m’a lancé un regard triste et accusateur en me voyant m’éloigner et partir courir sans lui. C’est que je dois maintenir mon allure si je veux rester performant à la course. Désolé, Loucky ! 

Et puis, non ! Je fais erreur ! Le plus important, c’est le temps passé à parcourir la forêt, pas la vitesse ! Et s’il est possible de partager mon plaisir avec mon fidèle ami, c’est encore mieux ! 

Alors, nous y voilà, mon cher Loucky. Très souvent, nous partons tous les deux. Dévalant d’un côté les pentes à toute vitesse, les remontant de l’autre bien plus lentement. Aujourd’hui, c’est toi qui décide du rythme. Je te dois bien ça. Et quand, après 5, 10 ou 12kms parcourus, je te laisse dans le jardin et que je repars seul pour une boucle supplémentaire un peu plus rapide, je sens bien que tu es heureux.
Alors que j’écris ces lignes, tu sommeilles à mes pieds, ta place favorite. Te doutes-tu déjà que demain, toi et moi, nous repartons à l’aventure ? 

6/10 : 18kms dont 8,5kms avec Loucky, en passant par le rocher du Petit Moulin. Au cours du dernier kilomètre, je trébuche et m’étale dans un beau bouquet d’orties. L’air est frais, le soleil discret. Pas de doute, l’automne est là.

Tuesday, October 08, 2013

Végétarisme

7 août 2013 // Tag :
"Les animaux (...) n’ont qu’une existence éphémère, de misère, en camps de concentration. (...) Et même leur mise à mort est des plus révoltante."
Michel G.

L’idée a fait son chemin petit à petit, lentement mais sûrement… Et puis un jour, elle s’est complètement imposée à moi. Comme une évidence, comme une inspiration. 

C’est avant tout une question d’éthique : douze protéines végétales sont nécessaires pour produire une seule protéine animale. Et selon la FAO, 30% des terres arables sont dévolues à l’alimentation animale. Parallèlement, 15000 à 20000 enfants meurent chaque jour de la famine…
Ceci dit, il ne s’agit donc pas ici que de viande, mais aussi du lait, du fromage, des œufs. Pratiquer la sobriété dans ce domaine revient tout simplement à sauver des vies. 
J’ai fait mon choix : je préfère le fromage à la viande. Par goût d’abord (aah, la tomme de brebis !), mais aussi au regard de la condition qui est faite aux animaux. Comme l’explique l’auteur de cette citation, notre société qui se prétend évoluée réserve aux animaux un sort des plus horribles. Ceux-ci, élevés « hors-sol » ne sont d’ailleurs plus considérés que comme des masses de viande. Et non pas comme des êtres vivants, doués d’une sensibilité, d’émotions. 

Pierre Rabhi soutient que la beauté peut sauver le monde. Je crois bien qu’il a raison. 

Des études récentes démontrent que l’homo sapiens est beaucoup plus proche de l’herbivore que du carnivore. En ajoutant aux trois principes maîtres « manger local, bio et de saison », la pratique d’une alimentation essentiellement basée sur la consommation de fruits, de légumes et de céréales me donne l’impression de respecter mon corps, presque de le sacraliser, de lui offrir ce dont il a besoin. Des aliments nobles. Tout cela fait partie du respect de la vie sous toutes ses formes, de la mienne et de celle des autres. Du refus de toute violence, de l’harmonie avec la Nature. Se nourrir devient alors un art. 

Et côté performance ? Scott Jurek et Marco Olmo démontrent à merveille que l’on peut être végétarien, voire même végétalien, et se situer dans les meilleurs coureurs du monde ! 

17 août : après une journée bien remplie au Parc animalier, 5kms avec Michel qui me suit jusqu’au rocher du Petit Moulin, ses chaussures ultra-minimalistes aux pieds. 

18 août : après une balade dans les rues de Nancy, je pars dans les prés avec Noé et Loucky pour observer le coucher du Soleil. La promenade devient marche rapide lorsque, alors que je me disais que Noé est vraiment tout tranquille, bien dans ses baskets même s’il n’en porte pas encore, il se met à hurler ! Les oiseaux s’envolent au son de ce cri déchirant, les loups dans la forêt hurlent puissamment, Loucky ne s’aperçoit de rien. En arrivant à la maison, mon garçon rigole en apercevant sa maman. 

19 août : bon, je capitule. Je m’étais promis de « ne presque pas courir cette semaine afin d’être frais et dispo pour dimanche ». Tant pis, j’y vais quand même ! Je parviens malgré tout à me contenter d’une petite course de 8kms. 

20 août : 13kms avec Yannick et Fred, réunis tous les trois sans doute pour la seule et unique fois de l’année ! 

21 août : cette fois-ci, je ne cherche même pas à me raisonner. 8kms au cours desquels la présence des arbres me recharge en énergie. J’essaie de leur en offrir un peu aussi. 

22 août : 8kms avec Michel, en papotant, notamment de l’excellent film qu’il vient de nous prêter « Little Buddha ». 

24 août : Marche de 30 minutes sous la pluie en compagnie de Loucky, puis tous les 4 sous les nuages. Petit sprint final en sandales, Noé dans sa poussette, pour devancer l’orage qui se prépare brusquement. 

25 août : LE TRAIL DES CRETES VOSGIENNES. 33kms. 1000m D+.
Après un trajet un peu compliqué, arrivée au Markstein 8 minutes avant le départ ! Le temps de me changer, de récupérer mon dossard, de l’épingler tout en faisant la queue pour aller aux toilettes et voilà que je prends le départ 200m avant la ligne en voyant de loin les premiers coureurs déjà disparaître... et les derniers que je rejoins bien vite, qui m’offrent 2kms de bouchon. Je pars donc 997ème sur 997…
Pas idéal pour un chono tout ça ! Niveau météo, 11°C, de la pluie et du brouillard ! En 2001, j’avais mis 3h01. Je voulais passer sous les 3h aujourd’hui. Mais en fait, j’étais en grande forme, j’ai un peu slalomé au début, et puis je me suis lancé pour de bon... Au km 21 à la Schlucht, j’ai 4 minutes d’avance par rapport à 2001. Je prends le temps d’embrasser Fanny et Noé, de porter Arthur sur quelques mètres et c’est reparti. Mes Pegasus trouées glissent pas mal sur les pierriers et dans la boue et je me paie quelques chutes très jolies. Un petit sprint final et je passe la ligne d’arrivée 38e en 2h45’03" : heureux comme tout !
Pendant que j’écris aujourd’hui, je constate que c’est au niveau des pectoraux et surtout des triceps que les courbatures se font le plus sentir !!
Portfolio   

Minimalisme


"Je suis allé dans les bois
Car je souhaitais vivre selon ma volonté
Et ne me confronter qu’à l’essentiel de cette vie
Pour voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu’elle a à m’enseigner".
H.D Thoreau

Après la lecture de ma nouvelle bible « Born to run », où rien que le titre me fait rêver, des questions ont forcément commencé à émerger quant au choix de mes chaussures de course. Le seul et unique matériel fondamental du coureur (encore que…). A lire les arguments avancés rapportés par Christopher McDougall, puis ceux d’Anton Krupicka ou Kilian Jornet, la logique paraît indiscutable. Ce sont eux qui ont raison, les Tarahumaras et leur copain le Caballo Blanco. Mais comme l’explique Anton Krupicka, c’est aussi une affaire personnelle, et le poids des habitudes (des pieds et de l’esprit) incite tout de même à ne pas se montrer trop radical.
Je porte depuis plusieurs années des Nike Pegasus. Et je compte bien désormais appliquer le premier des conseils de Born to run : user mes chaussures ! J’y travaille. Mes Pegasus, bien trouées sur les bords intérieurs (ça se raccommode peut-être), possèdent un amorti de plus en plus discret. Il suffit maintenant, je crois, de me faire confiance. D’écouter mon corps : « utilise davantage l’avant de ton pied pour accrocher le sol puis partir vers l’avant ; redresse-toi un peu ; n’allonge pas ta foulée à l’excès et utilise tes bras ! » 

6/8 : 11,7kms. Sentier des Roches. Cascades et petits ponts de bois au programme ; chemin de halage et saluts répétés aux bateaux qui naviguent tranquilles.
7/8 : 10kms de rando-course dont 3,5 tous les 4, Arthur dans le sac qui me demande de courir pour dépasser Loucky. Mes épaules s’en souviendront toute la soirée.
9/8 : Au lendemain d’une journée laborieuse dans le jardin, 13kms dont 10 à fond sur petits sentiers vallonnés. 37’59 de pur régal.
11/8 : 11kms de bike and run tous les 4 le matin. 22kms l’après-midi, en passant par la tour du Brotsch. Grimper les mains sur les cuisses, le corps voûté mais les yeux levés vers le sommet constitue une de mes activités favorites sur Terre. Complètement lessivé à l’arrivée, je déguste un thé vert au jasmin accompagné par 3 cookies que je savoure comme jamais.
13/8 : 10kms dont 3 de rando-course tous les 4. Echange de regard prolongé avec un chevreuil à la foulée aérienne.
14/8 : A 11 jours du Trail des Crêtes vosgiennes, je décide de me ménager. 7,7kms avec une pause yoga au pied du Vieux Respectable, le grand hêtre du rocher du Moulin, qui me recharge comme toujours en énergie joyeuse.
15/8 : 8kms suivis d’une balade tous les 4. Arthur veut courir (que je suis content !!). Sa foulée est belle et naturelle, innocente et drôle. Il alterne de lui-même la marche et la course. « Je garde des forces pour la fin du parcours » nous explique-t-il. Comme il connaît l’expression « pédaler dans la semoule », il trouve que quand il maintient tant bien que mal l’équilibre sur sa draisienne lorsque ça descend, « il marche dans la semoule »…
16/8 : 10,7kms. Je dérange un rapace qui s’envole du ruisseau du Brunnenthal en poussant ses cris aigus.

Le territoire du loup


"Ne suivez pas les chemins déjà tracés
Allez plutôt là où il n’y a pas de chemin
Et laissez-y une trace."
(anonyme, cité dans "la voile blanche", Sergio Bambaren

Fanny m’a dit un jour que si j’étais un animal, elle me verrait bien en loup.
Et j’ai beau accorder aux lynx une admiration toute particulière, je crois qu’effectivement je me vois plus loup que lynx.
Tous les matins, le loup chef de meute s’en va faire le tour de son territoire. Animal discret et endurant qui ne pensera à son déjeuner qu’une fois cette tâche accomplie.
Si je n’aime pas courir trop tôt le matin, j’arpente moi aussi « mon territoire » presque tous les jours et dans tous les sens. 
Surnommé par les Inuits « le docteur des animaux », le loup semble attentif au respect de l’équilibre de la Nature. Il a compris que l’harmonie est un maître mot entre les différents règnes du Vivant.
C’est donc en loup que je me suis représenté. Inspiré d’un livre qu’Arthur aime bien (et moi aussi), ce modèle au museau allongé nous fait souvent bien rigoler. 

30/07 : course de 9kms, suivie de 9 autres en « bike and run ». Entouré de ma petite famille et d’une ribambelle de copains, j’alterne le vélo avec Arthur et son grand ami Anatole dans la charrette et la course avec Noé dans sa poussette. 

01/08 : 10kms avec Yannick, dont un tour de l’étang en 7’32’’ pour 2200m, ce que je juge correct vu la chaleur qui sévit en ce moment. 

02/08 : je pars marcher avec Noé dans le porte-bébé. Loucky nous accompagne joyeusement. Au cours des premiers mètres, mon petit garçon éclate de rire, agite bras et jambes tant il est heureux de se trouver pour la première fois « face à la route », et non plus lové contre moi. Je crois bien qu’il aurait dit « youpi ! » s’il avait déjà su parler. Heureux d’observer, heureux de grandir. « Oui, mais pas trop vite quand même, Noé. Moi, j’aime ça, te porter tout contre moi ! » 

03/08 : on y retourne tous les trois ! Les arbres nous offrent un peu de fraîcheur mais la puissance du Soleil permet malgré tout aux mûriers de répandre dans l’air un délicieux parfum fruité.
L’après-midi, je cours 13kms, dont 10 le plus vite possible sur un parcours bien vallonné et bien technique. Un régal. Je boucle le tout en 42’31’’ après avoir livré toutes mes forces. Les sentiers étroits parsemés de racines, de pierres et de pommes de pin, qui montent et qui descendent, tortueux à souhait, ont ma préférence par-dessus tout. Il faut alors que le corps et l’esprit travaillent ensemble car il y a nécessité permanente à changer de rythme, bondir, raccourcir ou allonger la foulée, balancer les bras quand les jambes peinent. Et si mes pensées s’égarent un peu et que la cadence s’essouffle, j’ai trouvé un mantra qui me reconnecte à mon effort : il s’agit de répéter mes trois mots préférés au monde, synchronisés à ma respiration. Fanny-Arthur-Noé-Fanny-Arthur-Noé-… 

04/08 : j’annonce que je pars courir un peu avant l’apéro. « Oh Papa, je pars avec toi ! » me demande Arthur. 5,7kms au cours desquels mes épaules ont chauffé afin d’éviter que la poussette ne bascule sur le chemin plein de bosses et de trous. « Papa, plus vite ! » me relance souvent mon coach Arthur, installé tranquille avec ses lunettes de soleil sur le nez. 

05/08 : 9kms de bike and run en famille, suivis de 6kms de course en solitaire. 

Courir me fait voyager, courir me ressource. Les premiers kilomètres sont entièrement destinés au corps. Il se purifie, il se soigne, il se nourrit de l’énergie de la Nature. Puis c’est au tour de l’esprit, voire même de l’âme de venir s’abreuver à la source des foulées. La course se transforme alors en méditation. Des idées naissent, l’esprit s’apaise et s’éveille en même temps. C’est le moment d’écouter ses intuitions car bien souvent l’innocence mécanique de la course permet de se libérer de tout le reste, de tout ce qui pèse. On peut alors partir à la rencontre de soi-même et observer une nouvelle inspiration éclater au grand jour !
Est-ce pareil pour les loups ?

L'appel de la forêt


"Alors, aux visions troubles des époques lointaines, venait se rejoindre l’appel qui résonnait au fond de la forêt, éveillant en lui une foule de désirs indéfinissables et d’étranges sensations. Mû par un pouvoir plus fort que sa volonté, il partait en quête, cherchant obscurément à découvrir l’origine de l’écho qui résonnait en lui." (Jack London, L’Appel de la forêt, 1903.)

Lorsque j’observe mes deux garçons, je ne peux que constater leur incroyable souplesse mais aussi leur plaisir immense à accomplir des gestes avec leur corps. Véritables prouesses parfois qui me laissent admiratif.
« Papa, t’arrives à faire ça ? » me défie souvent Arthur venant manifestement de faire une découverte. 

Sauter dans les vagues, grimper aux arbres, s’inventer des parcours, jouer au jokari, courir… Finalement, toutes ces activités ont un gigantesque point commun : il s’agit d’exprimer notre joie de vivre en jouant avec notre corps ! En courant, je m’amuse comme lorsque j’étais petit garçon. Emerveillé par toutes ces possibilités physiques que je ne cesse de découvrir. 

C’est curieux tout de même… Avant le marathon couru en forêt il y a dix jours, mes jambes me paraissaient lourdes, je me traînais. J’ai parcouru seulement vingt kilomètres au cours des trois jours précédant la course. Et depuis… Depuis, la forme est de retour ! Le plaisir ressenti à courir des heures durant dans la montagne a été tel que démonstration est faite que je suis capable d’enchaîner les courses si je veille à rester dans mon rythme. Pas besoin de courir vite tout le temps, j’ai du mal à retenir cette leçon ! 

Un jour de repos le lendemain du marathon, je me retiens presque d’aller courir.
22/07 : 10,3kms. J’observe une biche vraiment très grande, magnifique !
23/07 : 12,2kms. Montée du Morenthal, bien raide. J’y vois deux chevreuils bondissants. Retour par le château.
24/07 : 10kms avec l’ami Yannick. J’avais bien envie de lui montrer le sentier des Roches, un parcours superbe, assez technique, alternant ruisseaux et petits ponts de bois et passage sous de grands rochers bordés de hêtres imposants.
25/07 : 10kms. L’idée me vient aujourd’hui de courir ce que je baptise « le kilomètres technique ». Le principe : un kilomètre à fond sur petit sentier qui monte ou qui descend, ou les deux ! J’en effectue deux, en 3’54 puis dix minutes plus tard en 4’24.
26/07 : 12kms avec Yannick à Sarrebourg. Heureusement que j’ai ma gourde aujourd’hui pour courir en ville par cette chaleur. Je cours malgré tout 3500 mètres à 16 à l’heure, 500 mètres tranquilles et à nouveau 500 mètres à la même allure. Pas moyen d’aller plus vite aujourd’hui.
27/07 : 12kms. 35°C ! Je rejoins la petite vallée du Brunnenthal en passant par le vieux lavoir. Puis je cours 3 kilomètres le long du canal avant de rejoindre la fontaine Mélusine. Quel bonheur de courir torse nu et de s’arrêter pour boire à l’eau d’une source ! Retour par le rocher du Petit Moulin.
29/07 : 18kms. Il fait bien plus frais. En forêt, le parfum de la terre mouillée par la pluie me transporte jusqu’à la pierre des druides. Au rocher du Grand Krappenfels, j’admire l’étendue de la forêt qui paraît sans fin, puis je cours jusqu’aux ruines du château de l’Ochsenstein, le Haberacker, petit hameau perdu sur le sommet d’un vallon, le ruisseau de l’ours (Baerenbach), et les vestiges gallo-romains du Wasserwald, un de mes lieux préférés au monde où un magnétisme puissant doit être à l’œuvre, laissant se dégager calme et sérénité. Peut-être l’œuvre des druides qui vécurent là jadis ? 

L’appel de la forêt… Je comprends cette jolie expression. Parfois, dans ma maison, je stoppe mon activité d’un coup et je dis à Fanny :
- Oh, tu entends ? L’appel de la forêt !
- OK, va courir, pas de problème, me répond-elle, éternellement douce et compréhensive.

Le marathon-trail du Donon


41,2km en 4h29’57’’ - 1417m D+

Le 20 juillet, le jour tant attendu de la course arrive enfin ! Après avoir cherché à la gare Rémi le frérot, mon compagnon de course, et partagé un bon petit déjeuner, nous nous élançons dans le village sous un soleil implacable.
Dès nos premières foulées, nous ressentons ce fameux plaisir à partager notre effort. Une belle descente un peu technique pour rallier ma maison au village de Lutzelbourg, que nous traversons tout en portant déjà un oeil vers le terme de la première montée : le château, jolie ruine de presque mille ans, qui surveille un méandre de la Zorn. 

Si notre objectif du jour est bien d’atteindre le sommet du Donon, notre but véritable est le voyage lui-même. Vivre cette joie simple et pure de la course qui nous offre un magnifique sentiment de liberté !
En observant la vallée recouverte de milliers d’arbres, je me sens juste à ma place, infiniment chanceux et respectueux devant la beauté de la Nature. 

Au kilomètre 5, nous traversons le village de Hultehouse puis la pente s’adoucit jusqu’à la pierre Saint-Martin au kilomètre 11, à 500 mètres d’altitude. Après une petite pause photo au pied du menhir qui servit également de borne-frontière à l’Abbaye de Marmoutier, nous descendons jusqu’au ruisseau du Grossthal, franchi après avoir rempli nos gourdes déjà bien entamées.
Il s’agit ensuite de grimper sans interruption durant 8 kilomètres.
Encouragés par les chants du peuple des arbres, nous courons sous le Soleil de midi en passant par Dabo (km 15). Le temps de descendre le toboggan du camping et nous poursuivons notre ascension jusqu’au Col de la Schleif (km 18 - 689m). Là, un mince filet d’eau claire s’écoule et le deuxième remplissage de gourde a lieu. On en avait bien besoin, il fait chaud ! 
Toujours en courant sac au dos et balançant notre gourde d’une main à l’autre, tel le Caballo Blanco, nous parvenons au rocher du Backonfelsen (km 19 - 748m). On engoultit quelques fruits secs, gâteaux et un gel, savourant aussi le paysage semi-panoramique qui s’étale sous nos yeux, et rêvant déjà à notre projet de participation au marathon du Mont-Blanc en 2014. 

Passage au Hengst (km 23 - 891m), maison forestière solitaire au coeur d’une petite clairière.
Deuxième sommet du jour : le Urstein (km 25 - 948m). La "pierre originelle" est un gros rocher qui semble posé là.
L’eau commence à manquer. Il fait plus de 30°C mais dans le calme apaisant de la montagne, courir est source d’inspiration. On se sent bien, on se sent vivre.
Après deux kilomètres sur un large chemin en plein soleil, deuxième ravitaillement à la Baraque des Juifs (km 29 - 885m). Et enfin, la source tant attendue de la Sarre Rouge (km 34). Dire que ce discret jet d’eau jaillissant de la roche va devenir une rivière ! Je n’avais plus une goutte. En quelques secondes, le plein est fait. Bonheur intense que de plonger les mains dans l’eau glacée et de se rafraîchir la nuque et le visage. 

Allez, la dernière ligne droite, si l’on peut dire. Désormais, nous apercevons le sommet de temps à autre, et il devient possible d’imaginer la bonne bière qui accompagnera nos premières minutes de repos.
Kilomètre 37, le col entre les deux Donons. La dernière montée s’avère être technique, le plaisir atteint son apogée.
Kilomètre 39 : nous voilà au sommet ! A 1009 mètres d’altitude, la vue sur la montagne qui s’étire vers le sud est superbe. Le temps de se prendre en photo à l’entrée du temple, tels deux chevaliers d’or protégeant leur maison zodiacale, et nous entamons la descente finale qui s’achève au col du Donon.
Fanny et Noé nous y attendent pour partager impressions et boisson. Quelques paroles et un verre vide plus tard, Fanny expose devant nos yeux émerveillés deux parts de tarte aux myrtilles géantes ! Y en aura-t-il aussi à l’arrivée du Mont-Blanc ?
Champions de nous-mêmes au terme de cette belle aventure pédestre, heureux d’avoir désintégré au passage mon chrono de 2010, nous nous promettons de refaire cette course en y ajoutant un petit kilomètre pour que le compteur puisse afficher pile 42,2 kilomètres !
Portfolio   

Marathon-trail du Donon J-2


De retour sur le grès rose des Vosges.

Qui a déjà entendu parler du marathon-trail du Donon ? Personne, puisqu’il s’agit d’un défi personnel parcouru en 2010 : partir de chez moi et rejoindre le sommet du Donon à 1009m d’altitude, un des plus hauts points des Vosges, lieu mythique et magique, au magnétisme avéré et déjà honoré du temps des gallo-romains qui y bâtirent un temple. Samedi, c’est en compagnie du frérot que je courrai ! 

Cette semaine, je ne programme que de petites courses tranquilles mais quotidiennes malgré tout, auxquelles s’ajoutent de nombreuses balades.
Et puis je pratique quelques mouvements tous les jours : salutation au soleil, pompes et abdos, voire parfois un kata, réminiscence du temps où je faisais du karaté. 
Lorsque j’effectue mes pompes et abdos, j’utilise des nombres clefs. Ainsi, en ce moment, je fais 34 pompes parce que j’ai 34 ans et 42 abdos au moins, le nombre de kilomètres d’un marathon.
Hier soir, j’ai commencé un nouveau livre. J’ai stoppé ma lecture à la page 27, Noé étant né le 24 mars, 24+3=27... Satisfait, je me suis vite endormi. 

Dans deux jours, nous partons courir toute la journée. J’ai hâte !

Sur les falaises


Suite de l’entraînement de vacances.

Lorsque j’avais 18 ans, je partais m’échauffer 2 km très vite puis je courais un tour de l’étang à fond, soit 2,2 km. Et enfin, je rentrais tranquillement à la maison.
16 ans plus tard, je cours bien plus. Toutefois aujourd’hui, je pars doucement sur les 2 voire 3 premiers kilomètres tout en me sentant un peu rouillé, les jambes lourdes. Puis seulement, la foulée s’allège, le mouvement prend de l’amplitude, de la souplesse, et je savoure mon parcours. 

Je ne m’aligne plus sur les 5000 ou 10000m. Trop rapide, trop nerveux. Je me les réserve pour moi tout seul, lors de sorties en solo. Hop, un 5000m à fond ! 

Un marathon sur route, et voilà qu’au bout de 30 km je traîne la patte, ma hanche droite se raidit, toujours elle depuis qu’une voiture m’a percuté il y a 19 ans. L’arrière de la cuisse devient douloureux aussi. Trop cassant. 

Et pourtant, pourtant, je crois que je ne me suis jamais senti en aussi grande forme ! Ce que je préfère dorénavant, c’est courir un marathon dans la montagne, varier les allures, les paysages, les parfums et les rencontres. 

En compétition sur la route, il me reste le semi-marathon. Là, je m’amuse comme il faut. On dirait que je deviens exigeant. 

Aujourd’hui 10 kms, toujours sur les falaises. Le souffle se repose, même dans les montées les plus raides car mes jambes galèrent toujours.
Je suis accompagné par des mouettes et des hirondelles (de rivage ?) qui chassent sur cette frontière entre terre et mer. Sur ces hauteurs insolites, j’observe aussi beaucoup de papillons (je reconnais un paon de jour), sans doute heureux de la diversité de la flore qui s’épanouit ici en de multiples couleurs.
Je finis par 2 km sur le front de mer où j’essaie d’accélérer un peu : 3’50 de moyenne, bof. Mais pourquoi tant de fatigue dans mes jambes ces temps-ci ?

Entraînement début juillet


A 3 semaines du marathon-trail du Donon.

Le 1er juillet, je marche 8,5km avec mon petit Noé dans sa poussette et Loucky le chien. C’est un peu technique parfois dans la forêt avec la poussette... J’aime voir les yeux bleus de mon cher petit garçon qui regardent le feuillage des arbres au-dessus de lui. 

Le lendemain, je reste à la maison pour garder Arthur, malade. Installé dans sa charrette, nous nous rendons chez le docteur à vélo. J’en profite pour renouveler mon certificat médical, et là je suis très content car quinze minutes après avoir posé le vélo, mon coeur est à 44 pulsations. 

Le 4, footing crépusculaire de 9,5km, et le 5, pour fêter les vacances, je rentre du collège à chez moi en courant, soit 19km. Un repas frugal et je file chercher Arthur à la crèche avec le vélo. 

Le 7, premier footing dans la baie de Somme : d’un côté l’océan, de l’autre des champs de blé, les deux étant séparés par une falaise de craie vive de 100m ! Je pensais courir sur du plat pour changer. Finalement, ça monte et ça descend sans cesse. Quelques mouettes me dépassent régulièrement en rigolant. Sur la fin de ce premier 10km, je passe au milieu d’un groupe de randonneurs qui s’écartent sur mon passage en m’acclamant joyeusement. 

Le 8 : 10,2km. Après un passage au Tréport, très industriel, je rejoins Mers-les-Bains pour courir sur les falaises et finir par la plage.L’architecture date de la fin du 19ème et possède beaucoup de charme, d’influence anglo-flamande : maisons de briques, balcons en bois coloré, orielles, tourelles, fioritures... Très original !
Déjà sur les falaises ce matin pour 4km de marche en famille, Arthur sur mes épaules. Comme je cours l’après-midi, je déjeune très simplement : une dizaine de fraises et du riz à l’huile d’olive.
Mes jambes sont encore lourdes de la course de vendredi.
Après ma course, Arthur et moi passons une heure à défier les vagues de l’océan. "Je m’ai bien amusé, Papa. Viens, je veux encore courir !" 

Le 10, marche d’une heure avec Noé et course de 11km.
Le 11, je cours 10km tranquille. J’aperçois un chevreuil sur les falaises ! 
Aujourd’hui, Mamie aurait eu 99 ans. Et "comme par hasard", je rencontre un chevreuil ! J’ai souvent cette chance, certes, mais à 600km de ma forêt, de notre forêt, à 50m d’une falaise donnant sur l’océan, franchement je ne m’y attendais pas !
J’ai toujours eu cette intuition que lorsque mon chemin croise celui d’un chevreuil, c’est Mamie qui m’envoie un petit signe. Pour me montrer qu’elle est bien là, toujours là, juste là. Joyeux Anniversaire Mamie !